Le poisson zèbre sous les feux de la rampe
Publié le 01.04.2021
Danio rerio se fait appeler Danio zébré, Danio rayé, petit Danio, poisson zèbre et parfois même, poisson pyjama. Convoité par bon nombre de scientifiques pour sa transparence, ses facilités de reproduction et d’élevage, il est le deuxième modèle de laboratoire le plus utilisé dans le monde. Jean-Stéphane Joly, de la plateforme TEFOR Paris-Saclay, présente ce tout petit poisson sans équivalent.
Danio rerio est originaire d’Asie du Sud. Il se retrouve en Inde, au Pakistan, au Bangladesh, au Népal et au Bhoutan. Décrit pour la première fois en 1822 par le zoologiste écossais Francis Buchanan Hamilton, ce n’est qu’en 1905 qu’il est introduit en France. Il a depuis fait bien du chemin, « même si son utilisation en laboratoire remonte seulement à une trentaine d’années et reste moins fréquente que celle de la souris », ajoute Jean-Stéphane Joly, responsable scientifique de la plateforme IBiSA TEFOR Paris-Saclay, coordinateur de l’infrastructure TEFOR et membre du bureau scientifique de l’infrastructure nationale CELPHEDIA. « Sur notre plateforme, nous travaillons sur plusieurs espèces aquatiques comme le xénope, le médaka, le tétra aveugle et les cichlidés pour étudier l’environnement, le développement, le cerveau... Mais c’est le poisson zèbre qui tient la vedette ! »
Un organisme modèle pas comme les autres
Le poisson zèbre présente bien : il est plutôt joli, avec son corps orné de teintes vives, bleutées, métalliques, brillantes et son manteau de rayures allongées. Mais son plus grand atout pour le monde de la recherche, c’est probablement sa transparence au cours des premiers stades de son développement, et même à l’âge adulte moyennant un ensemble de modifications génétiques supprimant la pigmentation. Avec ce modèle, il est possible de réaliser des marquages fluorescents et d’observer par microscopie les processus biologiques à l’échelle de l’organisme, de la cellule et de la molécule, sans aucune chirurgie. « Nous pouvons suivre et analyser avec précision l’évolution d’organes, de cellules, d’infections, de mutations et reproduire toutes sortes de modèles de maladies animales et humaines, notamment avec la technologie d’édition du génome CRISPR-Cas9. » Car rappelons-le, le poisson zèbre est un vertébré avec un cœur, un cerveau et un équivalent pour près de 80% des gènes retrouvés chez l’Homme !
Danio rerio ne s’arrête pas là. Le petit poisson de 4 à 6 cm est peu encombrant, peu coûteux à entretenir, facile à reproduire et rapide à élever. « Nous pouvons obtenir des adultes en seulement trois mois, réaliser de l’imagerie à haut contenu et caractériser des lignées de façon extrêmement robuste », précise Jean-Stéphane Joly. Le petit poisson est aussi très résistant : « nous n’avons eu aucun problème majeur de pathologie en plus de vingt ans d’élevage ».
Les caractéristiques biologiques du poisson zèbre en font un modèle animal très prisé des chercheurs. A l’instar des mammifères, il est soumis à la réglementation, mais seulement à partir de son cinquième jour de vie. « En tant que nœud de l’infrastructure CELPHEDIA, nous sommes très impliqués dans les démarches éthiques et la structuration d’un futur centre 3R en lien avec l'Inserm, le CNRS et lNRAE pour réduire et optimiser l’expérimentation animale à des fins scientifiques. »
Le poisson zèbre, emblème de TEFOR Paris-Saclay
La plateforme TEFOR Paris-Saclay s’étend sur 2 000 m². Elle comprend des services d’édition du génome, de phénotypage et d’informatique, ainsi qu’une animalerie aquatique de 1 600 m² avec près de 200 m² dédiés à Danio rerio. Des racks avec des dizaines d’aquariums sont alignés et équipés de robots capables de nourrir automatiquement les poissons. « Nous disposons aussi de laboratoires de biologie moléculaire et de microscopie mis à la disposition des utilisateurs de la plateforme. »
TEFOR Paris-Saclay a obtenu la labellisation IBiSA au cours de l’appel d’offres 2020. « Le label nous apporte une reconnaissance très importante au niveau national. Il montre à nos tutelles et à la communauté scientifique notre structuration et notre sérieux », affirme Jean-Stéphane Joly. TEFOR Paris-Saclay souhaite déposer une demande de cofinancement à IBiSA, au CNRS et à l’Université Paris-Saclay pour renforcer son parc de microscopes. « Notre objectif est de dupliquer un microscope confocal déjà disponible sur la plateforme pour pouvoir comparer sa performance et assurer une continuité de service en cas de panne. » L’équipement coûte 210 000 € et serait financé à part égale par les trois partenaires.
Ecotoxicologie, neurologie, immunologie, cancérologie, génétique, biologie du muscle, du développement, de la reproduction... Les projets menés par la plateforme sur le poisson zèbre ont des applications multiples dans de nombreux domaines. « Nous travaillons aussi bien sur la robustesse des poissons (résistance aux agressions mécaniques ou virales) que sur le cerveau (développement, cellules souches, réparation), le système immunitaire (biodistribution de particules virales et nanoparticules vaccinales) ou la toxicologie (perturbateurs endocriniens). »
Mais si le poisson zèbre a le vent en « poulpe », tous les résultats ne sont pas forcément transposables d’un vertébré à un mammifère, notamment à l’Homme. Les découvertes effectuées sur le petit poisson doivent impérativement être validées sur d’autres modèles.
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6 nouvelles plateformes ont été labellisées IBiSA et 2 683 000 € ont été distribués à 40 structures IBiSA en sciences du vivant. Retour sur l’édition 2020 de l’appel d’offres Plateformes.