Réduire l’empreinte carbone de la recherche, c’est aussi une affaire de plateformes
Publié le 06.06.2024
Tête-à-tête avec Floriant Bellvert, un des quatre intervenants aux ateliers de formation organisés par IBiSA sur le thème de l’empreinte environnementale de la recherche. Ingénieur en métabolomique et fluxomique au sein de la plateforme MetaToul-FluxoMet, il co-dirige l’infrastructure nationale MetaboHUB, avec la mission de promouvoir les démarches d’éco-responsabilité.
Comment mesurer l’impact d’une activité sur l’environnement ?
L'empreinte carbone mesure la quantité totale de gaz à effet de serre (GES) émis directement ou indirectement par une activité. L’unité d’œuvre est une autre mesure permettant de quantifier l’impact d’un projet d’un point de vue comptable ou environnemental. Elle correspond à une unité standardisée, par exemple une unité de préparation des échantillons, une unité d’utilisation des analyseurs ou une unité de traitement des données.
Et l’analyse de cycle de vie, c’est quoi ?
L’analyse de cycle de vie, ou ACV, est une méthode d'évaluation systématique des impacts environnementaux potentiels associés à un produit ou une unité d’œuvre tout au long de son cycle de vie. Elle prend en compte l'extraction des matières premières, la fabrication, la distribution, l'utilisation et la fin de vie. L'ACV quantifie les émissions de gaz à effets de serre et d’autres impacts, comme la consommation des ressources naturelles, la pollution de l'air ou de l’eau. Elle utilise pour cela des bases de données faisant l’inventaire des flux de matériaux et d'énergie.
La législation impose-t-elle aux plateformes de réaliser un tel bilan ?
Il existe seulement une obligation pour les établissements publics de dresser un bilan et d’adopter une trajectoire bas carbone. Cela ne se joue donc pas directement au niveau des plateformes, mais au niveau des organismes de recherche. Il n’empêche que toutes les structures, comme les plateformes, peuvent réaliser leur bilan GES pour prendre conscience de l’impact de leurs activités. Et que chacun se doit de participer aux efforts de réduction de l’empreinte environnementale de la recherche.
A quoi faut-il penser avant de démarrer un bilan sur une plateforme ?
Le plus important, outre de faire adhérer le personnel en interne, c’est de bien établir le périmètre du bilan, en particulier les activités, les personnes et les locaux concernés. Il est aussi important d’identifier les acteurs externes qui pourront fournir les informations nécessaires. Au niveau de la recherche française, nous avons la chance d’avoir le collectif Labos 1point5, qui met à disposition plusieurs outils pour évaluer et réduire l’empreinte environnementale de la recherche, comme le logiciel GES 1point5. Un mode opératoire spécifique va également être publié pour aider à calculer le bilan GES d’une unité d’œuvre.
En quoi le calcul est-il différent pour une unité d’œuvre ?
Prenons un cas précis. Nous avons récemment calculé le bilan GES de l’unité d’œuvre correspondant à une heure d’analyse par RMN sur la plateforme MetaToul. Le calcul repose sur les données du bilan GES global de la plateforme. Nous retrouvons des données sur les finances, les achats, les bâtiments, les fluides, l’informatique, les missions, les déplacements, mais elles sont traitées différemment. Par exemple, alors que l’impact en GES de l’achat d’un module de RMN est compté en totalité l’année de l’achat dans le bilan de la plateforme, il est amorti sur plusieurs années d’utilisation dans le calcul de l’unité d’œuvre.
Comment les résultats sont-ils pris en compte à l’échelle de l’infrastructure ?
Chaque plateforme effectue son propre bilan. L’ensemble est ensuite intégré pour évaluer l’empreinte carbone totale de l’infrastructure. Au niveau de MetaboHUB, nous avons mis en place des ressources et des documents pour réaliser facilement les calculs et leur intégration. Nous faisons aussi attention à ce que la partie direction ne soit pas oubliée si elle est séparée des plateformes expérimentales.
Est-ce que tout cela n’est pas perçu comme du « green washing » ?
Pas du tout. Pour les utilisateurs des plateformes, il s’agit d’une prise de conscience de l’impact de leurs analyses. Cela doit les conduire à rationaliser leurs besoins pour minimiser leur coût environnemental. Côté plateformes, nous veillons à ne pas tomber dans le green washing en allant au-delà du bilan GES, avec de véritables actions de réduction.
Quels freins avez-vous rencontrés lors du bilan de votre plateforme ?
Nous n’avons eu aucun problème à trouver du personnel pour mettre en place le bilan et les actions. C’est un peu chronophage au démarrage, mais motivant pour la plupart d’entre nous. La difficulté a essentiellement été de définir les périmètres du bilan, ainsi que la méthode de récupération des données. Bien que la plateforme soit certifiée NF X50-900 et applique une tarification basée sur les coûts complets, la structuration de la remontée des données a dû être adaptée afin de pouvoir servir au bilan.
La surcharge de travail n’est donc pas un sujet pour le personnel ?
Il y a une surcharge de travail pour les personnes les plus impliquées, mais elle est valorisée par l’objectif. Pour les autres, c’est plus un souci de changement de comportement. Le personnel est en grande majorité favorable aux objectifs bas carbone soutenus par la direction de la plateforme. Mais il existe toujours des réfractaires, par exemple quand il faut prendre le train plutôt que l’avion. Nous avons sous-estimé l’impact que cela pouvait avoir et si c’était à refaire, nous adapterions davantage notre conduite du changement. Pour fédérer et que chacun se sente concerné, nous proposons depuis de voter les actions de réduction en assemblée générale, d’assister à des réunions et des conventions citoyennes.
Comment les bilans sont-ils mis à profit ?
Les bilans GES nous font avant tout prendre conscience de l’impact de nos activités sur l’environnement. Le plus informatif est ensuite d’analyser les tendances sur plusieurs années afin d’identifier les postes les plus émetteurs et de suivre les actions de réduction. Dans le cas de MetaToul et MetaboHUB, les bilans ont montré que les achats de gros instruments et l’utilisation de fluides cryogéniques avaient un impact fort. En réponse, nous avons introduit de nombreux critères environnementaux dans nos procédures de marché et investi dans du matériel permettant une réduction drastique de l’approvisionnement. Il ne faut pas se focaliser que sur les gros postes d’émissions. Toute réduction est bonne à prendre !
Quels sont les bénéfices individuels de cette éco-responsabilisation ?
Elle est fédératrice. Elle nous a permis de tendre vers une adéquation entre nos sensibilités environnementales et notre outil de travail. Pour ce qui est de la plateforme, cela lui donne une certaine visibilité, en plus de valoriser ses capacités fonctionnelles et adaptatives.
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En 2023, le comité de direction d'IBiSA a décerné 9 labels et 8 labels à 2 ans. Près de 2 432 000 € ont été distribués à 50 plateformes technologiques labellisées en biologie, santé et agronomie.
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Groupement de 34 plateformes en Bretagne et Pays de la Loire, Biogenouest est un exemple original de structuration de la recherche française. Le réseau est soutenu par IBiSA depuis 2008.